Le journaliste britannique John Armstrong a sélectionné le meilleur de son travail de curateur pour la branche du label BBE dédiée à l’Afrique. Un PAM Club de connaisseur !
Avocat retraité, John Armstrong est avant tout un passionné de musique. Celui qui jouait déjà des disques à la fin des années 70 dans les clubs de jazz londoniens est considéré comme l’un des premiers sélector britannique à organiser des évènements centrés sur la musique dite « tropicale ». C’est notamment lors d’une décennie de résidence au Bass Clef Jazz Club qu’il enchante les clients avec ses sélections pointues sans barrière de style, entre musiques afros, brésiliennes, dancehall, soca, zouk ou reggae. En 2008, il écrit et présente l’émission Viva Latino, première émission dédiée aux musiques latines sur les ondes de la BBC ; nous avons ici affaire à un visionnaire à l’origine de pas moins de 200 compilations en 30 ans, qu’elles soient dédiées au rockabilly, au flamenco, et bien sûr aux musiques africaines et à ses ramifications. PAM découvrait le travail du journaliste en 2019, alors qu’il se lançait dans la délicate mission de rééditer une partie du catalogue nigérian Tabansi Records. En plus de nous offrir un mix de ses morceaux favoris dans le cadre de son travail avec BBE Africa, John raconte…
« Lorsque j’ai commencé mon travail de curation sur le catalogue Tabansi, je me suis lentement rendu compte que nous avions ici un enregistrement contemporain inestimable de ce que les Ouest-africains de tout âge et de tout horizon appréciaient à la fin des années 70 et au début des années 80. Il y avait du disco, du boogie, du highlife, de l’afrobeat, de la rumba congolaise, du juju, de l’afro-reggae, de la soul, des tubes pop pour les charts, même de la country – tout était là.
J’étais donc missionné pour faire en sorte que notre série de rééditions reflète cette réalité. Je n’étais pas tellement enthousiaste à l’idée de ne rééditer que les LP rares, très demandés et super chers ! Je crois que cette approche donne souvent une image trompeuse de l’histoire de la musique, qu’elle soit africaine, latine, caribéenne, européenne, ou nord-américaine. Après tout, les disques « favoris » d’une musique donnée à une période donnée sont favoris pour une bonne raison : il s’agissait d’excellents disques que les gens aimaient et achetaient en grand nombre. Vous trouverez donc aussi bien les favoris bien connus que les plus méconnus, les super-rares, les super-chers, etc.
Une grande partie de cette musique – en particulier le highlife nigérian et la musique au parfum soukous- tire ses racines dans la culture Igbo, un héritage musical très riche qui est complètement différent de l’expression musicale (tout aussi riche) de la culture nigériane Yoruba. Alors que Fela Kuti, Sunny Ade et d’autres enregistraient dans la tradition yoruba dans la région de Lagos, des orchestres de danse Igbo et des artistes solistes étaient dans les studios de villes comme Onitsha, Aba et Owerri, dans tout le sud-est et la région du delta, produisant de la musique similaire à ce que vous entendrez dans ce mix. Il est également à noter que de nombreux artistes ghanéens, congolais et centrafricains – comme Ebo Taylor et Zorro, tous deux dans ce mix- ont fait le voyage dans les studios de Tabansi, car ils savaient qu’ils obtiendraient un produit bien meilleur que n’importe où ailleurs.
Je suis sûr aussi que les adeptes de PAM connaîtront la culture du sound system afro-champeta massivement excitante de la Colombie caribéenne. Bon nombre des titres les plus recherchés parmi les « picoteros » (sélectors des sound system de champeta) sont des groupes de guitare highlife Igbo du Sud-Est, et en particulier du label Tabansi. Ce sont des disques faits pour danser et faire la fête, beaucoup d’entre eux ont même été rebaptisés en espagnol pour les fêtards des carnavals colombiens, un peu à la manière des sound systems Northern Soul et reggae lorsqu’ils cachaient les titres de leurs 45 tours les plus rares ! L’une des tragédies de la guerre du Biafra a été que de nombreux musiciens de fanfare militaire Igbo ont perdu la vie dans le conflit. Résultat, le son highlife nigérian « cuivré » et old-school a été contraint de se réadapter à la musique highlife au format guitar-band. Le génie et la capacité d’adaptation des talents musicaux Igbo ont donc sauvé la mise et ont trouvé de nouveaux auditeurs dans toute l’Amérique latine et ailleurs.
J’espère que vous apprécierez ce mix, qui n’est que la pointe de l’iceberg de la musique déjà rééditée et sur le point de l’être par BBE dans un avenir proche. »
Tracklist :
1. Atakora Manu – Super Otete Impomamu
2. Zeal Onyia – Zeal Anata
3. Ebo Taylor – Help Africa
4. Ondigui and Bota Tabansi International – Beza Bakili Ma Nyon
5. Tabansi Studio Band – KAMA SOFOA
6. Ojo Balingo – Oba Mimo Olorun Ayo
7. Eric Kol – You’re My Solution
8. Lumingu Puati (Zorro) – Tshina Dekula
9. Dytomite Starlite Band Of Ghana – Amanfoo
10. Uncle Victor Chuks & The Black Irokos – Anya Ukwu
11. Ojo Balingo – Igbe Eiye Oloburo
Retrouvez les différentes rééditions du label Tabansi par BBE ici.